Une approche territoriale pour déployer la ZAN
Brian Padilla, écologue au MNHN, définit l’artificialisation comme « un processus d’occupation et d’appropriation humaine des espaces, avec des conséquences négatives sur le fonctionnement de l’écosystème »1 .
La Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est un objectif à long et moyen terme, fixé par l’article 47 de la loi Climat et résilience, promulguée en août 2021. Il impose aux territoires de réduire de moitié le rythme d’artificialisation des espaces NAF d’ici 2031, et d’atteindre l’absence totale d’artificialisation nette des sols à l’horizon 2050.
Inscrit dans le Code de l’urbanisme, l’objectif Zéro Artificialisation (ZAN) doit désormais figurer dans les documents de planification régionale (STRADDET), avant d’être décliné au niveau intercommunal et communal. L’objectif de cette approche territoriale est de mieux prendre en compte les enjeux spécifiques de chaque territoire (démographie, constructions, développement économique), dans l’effort de réduction de l’artificialisation.
Les sols, piliers de l’équilibre naturel
Selon Brian Padilla, « 90 % des organismes vivants passent tout ou partie de leur vie dans les sols », qui sont le siège de « nombreux échanges génétiques et le support de la biodiversité »2 . Régulation de la température, filtrage des ruissellements, les sols procurent également de la nourriture. Leur imperméabilisation intensive (conséquences du goudron, et plus globalement de la construction) peut avoir des implications socio-économiques importantes. En Île-de-France par exemple, entre 2010 et 2020, 10 232 hectares de terres agricoles ont été artificialisées, avec pour conséquence, l’importation de 90 % de la production alimentaire, pour satisfaire les besoins de la population3.
2https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-mercredi-16-fevrier-2022
3https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols
Stopper l’artificialisation des sols, un impératif écologique
Avant l’introduction de l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN), entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces NAF étaient consommés en moyenne chaque année3 en France. L’habitat est la première cause de consommation des sols, et représente 42 % de l’artificialisation, suivi par les constructions des secteurs publics et privés (30 %) et par le transport (28 %)4.
Les conséquences sont lourdes : l’érosion de la biodiversité, l’accélération du réchauffement climatique, l’amplification des risques d’inondation, l’incapacité à produire de la nourriture localement, et bien sûr la pollution. Dans un tel contexte, imposer aux collectivités territoriales un objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est devenu une nécessité écologique.
3https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols
4https://tnova.fr/economie-social/logement-politique-de-la-ville/la-ville-compacte/#synthese
Les leviers réglementaires et fiscaux du ZAN
Il existe plusieurs leviers pour mettre en œuvre l’objectif ZAN, notamment l’utilisation d’outils réglementaires et fiscaux, qui incitent à la densification, plutôt qu’à l’étalement. Créer un plancher de densité dans les PLU (Plan Local d’Urbanisme), par exemple, ou exonérer de taxe d’aménagement les projets de construction, qui ne changent pas l’emprise au sol.
Une autre option consiste à compenser l’artificialisation d’un sol par une renaturation équivalente, en ajoutant une composante « artificialisation », dans la taxe d’aménagement du nouveau projet. Cette taxe permettra de financer la renaturation, et la densification du bâti existant, par compensation.
La ville de demain sera compacte.
L’inscription de l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) dans la loi marque un tournant dans les stratégies d’aménagement et de logement, celui de la sobriété foncière et de la densification, dite douce.
D’après Sylvain Grisot, urbaniste et co-auteur de Réparons la ville !, 80 % de la ville de 2050 est déjà en place, et doit être construite sur l’existant, avec des méthodes de densification douce. Cela implique de repenser le bâti existant, pour y loger confortablement plus d’habitants sur une surface limitée. Cela implique également une plus grande mixité fonctionnelle des zones résidentielles (accès aux commerces, aux loisirs et aux transports), et une grande attractivité économique.
Et le pavillon neuf dans tout cela ?
Aujourd’hui, la moitié des logements en France sont individuels et selon la Fédération Française du Bâtiment, entre le premier semestre 2019 et le 1er semestre 2021, les ventes de maisons neuves ont augmenté de 16,3 %, preuve que le rêve du pavillon reste ancré dans la culture française.
Mais si la construction de maisons individuelles contribue, certes, à l’artificialisation des sols, le réel problème est le processus même de production de la ville, qui est, pour Sylvain Grisot, devenu « contradictoire avec les enjeux du siècle. »5 Pour mieux prendre en compte ces enjeux, notamment environnementaux, la ville de demain devra ainsi apprendre à se développer sans poursuivre un étalement excessif, au détriment de la biodiversité.
5https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-mercredi-16-fevrier-2022